Un mot de remerciement à Monseigneur Patrick Valdrini pour la traduction en français.
En guise d’introduction à la lumière de la Parole de Dieu et des paroles de sages et de saints
“Dans vos jugements, vous n’aurez aucun souci personnel, vous n’écouterez ni les petits ni les grands ; vous ne craindrez aucun homme, car le jugement appartient à Dieu ; les causes trop difficiles pour vous, vous me les présenterez et je vous écouterai” (Dt 1, 17).
« A Gabaon, le Seigneur apparut en songe à Salomon pendant la nuit et lui dit : ” Demande-moi ce que je dois te donner. Donne à ton serviteur un cœur docile pour qu’il rende justice à ton peuple et qu’il distingue le bien du mal, car qui pourrait gouverner ton grand peuple? Le Seigneur aimait que Salomon ait demandé la sagesse pour gouverner. Dieu lui dit:’ Parce que tu as demandé cette chose et que tu n’as pas demandé une longue vie pour toi-même, ni pour les richesses, ni pour la mort de tes ennemis, mais tu as demandé du discernement pour toi-même afin d’écouter les causes, c’est ce que je fais comme tu as dit. Voici, je vous accorde un cœur sage et intelligent ; comme vous, il n’y avait personne avant vous, et il ne s’élèvera pas après vous. Je vous accorde aussi ce que vous n’avez pas demandé, c’est-à-dire la richesse et la gloire qu’aucun roi n’a jamais eue” (1 Rois 3, 5 ; 9-13).
“Si vous voyez dans la province des pauvres opprimés et que la loi et la justice sont piétinées, ne soyez pas surpris de cela, car au-dessus d’une autorité un autre supérieur veille sur eux et au-dessus d’eux un autre encore plus haut…” (Eccl 5, 7).
“Aimez la justice, vous qui gouvernez sur la terre, pensez à juste titre au Seigneur, cherchez-le d’un cœur simple” (Sg 1,1).
“Combattez jusqu’à la mort pour la vérité et le Seigneur Dieu combattra pour vous” (Sir 4, 28).
“Le gouvernement du monde est entre les mains de l’Éternel; il suscitera l’homme juste pour vous au moment opportun” (Sir 10: 4).
“Car il les a enseignés comme ceux qui ont autorité et non comme leurs scribes” (Mt 7,29).
“Malheur à vous, guides aveugles…” (Mt 23, 16).
“Ils eurent tous peur et se dirent les uns aux autres : ‘Quelle est cette parole qui commande avec autorité et puissance les esprits impurs et ils s’en vont'” (Lc 4,36).
“Il appela alors les Douze à lui et leur donna pouvoir et autorité sur tous les démons et pour guérir les maladies” (Lc 9, 1).
“Mais Jésus les appela à lui et dit : ‘Les chefs des nations, vous le savez, dominent sur eux et exercent un grand pouvoir sur eux. Ce n’est pas ainsi qu’il doit en être parmi vous; mais celui qui veut devenir grand parmi vous deviendra votre serviteur, et celui qui veut être le premier parmi vous deviendra votre esclave, tout comme le Fils de l’homme, venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour plusieurs'” (Mt 20,25-28).
“Pilate lui dit alors : ‘Ne me parles-tu pas ? Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te libérer et de te mettre sur la croix?’ Jésus répondit : ‘Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi s’il ne t’avait pas été donné d’en haut. C’est pourquoi celui qui m’a livré entre vos mains est à blâmer dans une plus grande mesure'” (Jn 19, 10-11).
“Alors Pierre répondit avec les apôtres : “Nous devons obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes” (Actes 5:29).
“Tout est légal. Mais tout n’est pas utile ! Tout est légal. Mais tout ne se construit pas” (1 Co 10, 23).
“En fait, on ne peut être un bon pasteur que si l’on devient un avec le Christ et ses membres par la charité. La charité est le premier devoir du bon pasteur, c’est pourquoi il dit : “Le bon pasteur offre sa vie pour les brebis” (Jn 10, 11).
En fait, il y a une différence entre le bon et le mauvais berger : le bon berger vise l’avantage du troupeau, tandis que le mauvais berger vise le sien. C’est ce que dit le Seigneur : ‘Le bon Pasteur offre sa vie pour ses brebis’. Il leur consacre sa personne dans l’exercice de l’autorité et de la charité. Les deux choses sont nécessaires : qu’ils lui obéissent et qu’il les aime. En fait, le premier sans le second ne suffit pas” (Saint Thomas, Exposition sur Jean).
“Les hommes ne se sont pas lassés du christianisme, ils n’en ont pas connu assez pour s’en lasser. Les hommes n’ont pas consommé la justice politique jusqu’à l’usure, ils se sont consumés en l’attendant” (G. K. Chesterton, What is wrong with the world).
“La seule exception [à l’obéissance] se produit lorsque le supérieur commande quelque chose qui clairement, même dans la plus petite des choses, va à l’encontre de la loi divine. Dans ce cas, il n’est plus l’interprète de la volonté de Dieu” (St. M. M. M. Kolbe, Lettres).
Une brève introduction
Compte tenu de l’accueil qu’ont reçu les réflexions précédentes, je poursuis avec d’autres réflexions qui peuvent aider à penser de nouveau afin de retrouver le vrai sens des différents termes que nous utilisons. Donc, voici de simples points de réflexion proposés pour le partage, sans aucune prétention scientifique. Cependant, contrairement aux précédentes, la présente réflexion prend en considération principalement d’abord trois termes puis deux qui sont directement liés aux précédents, car celui qui exerce un rôle d’autorité (autorità) dans la sphère gouvernementale (c’est le seul contexte qui est pris en considération ici), ne le fait pas toujours, pour ne pas dire «des fois», avec «de l’autorité» (autorevolezza). De même, même si généralement celui qui détient l’autorité exerce un certain pouvoir, qui peut inclure ou demander l’usage de la force, il ne sera jamais possible d’admettre une quelconque forme de violence. Prenant acte de la confusion, non mineure, qui règne au sujet de ces termes et de leur utilisation corrélative dans les sphères étatique et ecclésiale, il convient plus que jamais de rappeler tout d’abord leur signification. Je le fais en commençant par rappeler leur étymologie parce qu’elle nous aide à retrouver le sens origine, celui qu’on «reconnaît immédiatement» aux termes particuliers qu’il est bon de ne pas oublier.
Quelques indices utiles à partir de l’étymologie
Autorité (Autorità), du latin auctorĭtas -atis (‘légitimité, prestige’), venant de auctor-oris compris comme «promoteur, créateur, auteur» dérivé de augēre (interprète, chez les Romains, de la volonté des dieux dans le sens de «qui grandit » s’expliquant par le fait que le prêtre, par son présage, augmentait la puissance divine qui devait soutenir l’entreprise), «faire grandir», proprement dit «celui qui fait croître». Dans les domaines juridique, politique et religieux, c’est aussi la position de ceux qui sont investis de pouvoirs et de fonctions de commandement, légitimement acquis et/ou reconnus. Dans un sens plus concret, ce sont les personnes elles-mêmes en charge de fonctions publiques impliquant des fonctions de commandement. On l’entend également comme : a) l’action décisive que la volonté d’une personne exerce sur la volonté et l’esprit des autres (par la force, par consentement commun, par tradition, etc.); b) l’estime, le crédit dont jouit un individu (cf. Devoto-Oli ; Treccani).
Auto-réalité (Autorevolezza): dérive de autorevole (adjectif, 14ème siècle, qui dérive du modèle de “charitable, honorable”), qui à son tour dérive de auteur (auctor-oris). Par conséquent, l’autorité dans ce sens est la qualité d’une personne qui a «de l’autorité» pour le poste qu’elle occupe, pour la fonction qu’elle exerce, grâce au prestige, au crédit, à l’estime dont elle jouit. Une donnée qui est avant tout perçue par les autres dans la manière dont quelqu’un exerce l’autorité (cf. Devoto-Oli ; Treccani).
Pouvoir: pŏtēre, en latin classique pŏsse dérive de la contraction de «potis esse» «être capable’, où l’adjectif potis-e, correspond au sanskrit pàtis», «lui-même». Donc avoir la faculté, la force, la capacité, la liberté, ou les moyens, la manière, l’opportunité de faire quelque chose ; avoir la possibilité vis-à-vis du juste, du légitime, de la norme, d’agir d’une certaine manière (donc il s’agit d’un sens positif qui peut aussi s’exprimer comme “pouvoir légitime”), dans la mesure où il n’y a aucun obstacle ni de la part d’éléments matériels ou naturels ni venant de sa propre volonté ou de celle des autres. Dans le champ d’application de la loi, au sens le plus large du terme, on dira tout pouvoir de prendre des mesures juridiquement pertinentes. Liés de fait avec pouvoir, il ressort qu’ils sont aussi des termes de “force” et de “violence” (ce dernier étant toujours une expression de «pouvoir illégitime» et donc illicite et injuste). Par force, nous entendons, en général, toute cause susceptible de modifier la forme ou l’état de paix ou de mouvement d’un corps, dans le cadre du droit, le pouvoir de coercition qui peut être utilisé par l’autorité compétente. En revanche, la violence dérive du latin violentus ‘impétueux, violent’, du latin violāre’ user de violence, maltraiter ; dévaster, profaner’, dérivé de vīs ‘force, violence’ (cf Devoto-Oli).
L’origine et la justification de l’autorité et de son pouvoir
Évidemment, l’étymologie seule n’est pas suffisante pour comprendre et justifier les termes auxquels nous avons affaire, mais elle nous a offert des indications utiles précisément parce qu’elle montre toujours et clairement l’intelligere de l’homme, comme animal rationnel, et son lien étroit avec l’expérience objective du réel. Mais ce qui nous aide à découvrir le sens de l’autorité, c’est avant tout la reconnaissance que l’homme est aussi un animal social. En tant que tel, de par sa nature même, chaque homme a un besoin effectif et affectif pour les autres. Nous avons besoin de l’aide de tant de personnes pour vivre, grandir (chacun de nous ne serait pas ici s’il n’avait pas eu pendant des années l’attention de tant de personnes…) et pour atteindre nos objectifs. En même temps nous avons besoin de nous sentir reconnus et aimés par les autres, pour pouvoir vivre une vie pleinement humaine, comme Dieu l’a voulu en nous créant (cf Gen 2, 18-24). Cependant, la socialité implique, à la suite du péché originel (cf Gn 3), que dans notre vie commune avec les autres, dans la liberté que Dieu lui-même nous a donnée et n’a jamais pensé à nous enlever, existe la possibilité concrète que les droits respectifs de chaque personne ne soient pas respectés (cf Gn 4, 8). Ce ” mystère ” de la liberté humaine, trop souvent mal compris est déformé dans son application à la vie en commun ! En fait, la liberté ne peut être comprise comme une simple indépendance, pour la simple raison que personne ne peut être libre seul ou tout au plus croire que sa liberté s’arrête là où commence la liberté des autres. Beaucoup de gens le croient aujourd’hui, mais celui qui le pense, et en plus est convaincu d’être respectueux de l’autre est en fait une personne violente et égoïste qui utilise l’autre. En tant que personnes libres, nous ne grandissons qu’avec les autres et grâce aux autres ; la liberté de chacun commence là où commence la liberté de l’autre et se termine quand elle est entravée ou niée : soit nous sommes libres ensemble, soit personne ne l’est (cf A. Cencini).
Par conséquent, de par la nature relationnelle et la liberté avec et dans laquelle elle est mise en œuvre, la nécessité existe, dans chaque groupe humain, grand ou petit, d’une figure d’autorité, personnelle ou collégiale, responsable de la sauvegarde des droits de chaque membre du groupe ainsi que de la réalisation par eux de leurs devoirs respectifs envers autrui. Une telle autorité, par la création et l’application de normes juridiques positives de toutes sortes (les règles juridiques sont un outil indispensable pour vivre ensemble avec les autres), permet la coexistence pacifique des différents membres d’un groupe. Concrètement, l’homme qui porte en lui ce besoin de socialité est amené au fil du temps à le formaliser pour le rendre stable, d’abord par la tradition orale (voir les coutumes) et ensuite par l’écriture à travers des normes positives (voir les lois). Cela se réalise principalement de deux manières : a) d’abord positivement, en reconnaissant et en promouvant les droits et les aspirations légitimes de chacun par rapport à la réalisation de soi avec les autres ; b) ensuite négativement, c’est-à-dire, en censurant et en poursuivant le comportement des individus contraires à la dignité de chacun et du bien commun. A partir de là, le système juridique propre à chaque société prend forme, s’organise et se systématise au fil du temps (à comprendre dans le sens de : relations humaines, relations intersubjectives, qui une fois réglementées par des normes deviennent des “instituts juridiques”, qui donnent naissance à un système juridique), dans la mesure où chaque personne non seulement attend d’être acceptée et respectée par autrui, mais aussi qu’on lui reconnaisse ce qui lui est dû par nature : c’est le “ius suum”, principe du droit naturel et du caractère social de l’homme, ainsi un système juridique comme traduction d’une Loi entendue comme res iusta, et qui comprend la justice comme, avant tout et essentiellement, la reconnaissance et le respect de la vérité de la personne : ce qu’elle est. Par conséquent un système juridique doit nécessairement combiner la vérité, le bien et la justice pour atteindre son but immédiat: la détermination objective, certaine, historiquement contextualisée, de ce qui est exigé par divers sujets dans leurs relations mutuelles, dans leurs diverses relations intersubjectives, selon la justice. En fait, “… la connaissance de la vérité a pour but la connaissance du bien (…) la vérité nous rend bons et la bonté est vraie” (Benoît XVI), et la vérité du droit est justice. Ce n’est que par la réalisation de tout cela, dans la pratique et non dans l’abstrait, qu’il sera possible d’atteindre ce « bien commun » fin de toute norme et de tout système juridique, dans la mesure où cela donne à chacun la possibilité effective de poursuivre et de réaliser les fins essentielles de la nature humaine. Mais, dans une société, sans la reconnaissance et la protection des droits et devoirs réciproques de ses membres, il n’y aura jamais de paix véritable et, par conséquent, sera impossible ce qui, selon Aristote, est le but de la politique et non du droit (qui a pour objet la ‘ipsa res iusta’), c’est-à-dire le bien commun.
Entre physiologie et pathologie de l’autorité
De l’étymologie et d’une réflexion rationnelle minimale et partielle sur la dimension sociale de l’homme, émergent clairement quels sont objectivement la figure et aussi les éléments constitutifs de tout type d’autorité. Souhaitant me limiter ici aux autorités dans le contexte de ce que l’on pourrait appeler le “gouvernement” (notamment en référence à l’État et à la société ecclésiale), j’ai choisi de me référer à qui est une autorité dans le domaine sociologique : Max Weber (1864-1920), lequel, dans un certain sens, a fait valoir que cette question est indispensable pour quiconque entend l’aborder. Pour le père de la sociologie (ici per summa capita), l’autorité est le pouvoir légitime, c’est-à-dire un pouvoir qui s’exerce parce qu’il est reconnu comme légitime par les subordonnés qui obéissent aux ordres d’en haut comme s’ils l’avaient voulu eux-mêmes. Pour Weber, le droit de commander est uniquement ce type d’autorité qu’il distingue en trois ” typologies “: 1) traditionnelle : le gouvernement et le pouvoir sont transmis par des moyens héréditaires (voir monarchie) ; 2) charismatique: le leadership et le pouvoir décisionnel qui lui est associé sont exercés par une personne à qui sont reconnues (on ne sait pas s’il les possède réellement) des qualités particulières (ainsi les grands leaders politiques, religieux, etc.). 3) juridico-rationnel: le droit de gouverner et d’exercer le pouvoir est attaché à une fonction qui s’exerce en ayant observé les procédures prévues au niveau institutionnel (voir l’élection).
Au-delà de ces différents types d’autorité ou de formes de gouvernement, il reste ferme que le sens même de l’existence de l’autorité dans un contexte social (qui l’exige), de quelque nature qu’il soit, est celui d'”être garant”, afin qu’à chacun puisse être reconnu ce qui lui appartient, promouvant ou sanctionnant les différents comportements pour ou contre cet objectif, sans lequel il n’y a pas coexistence pacifique et donc de réalisation concrète du bien commun (cf Is 32, 17). Une autorité sera telle si elle est vraie et si elle respecte la liberté propre à chaque membre. En d’autres termes: l’autorité n’est donnée que par rapport à une vérité à accepter et à réaliser en faisant grandir librement les personnes. Ce n’est qu’en ces termes que le pouvoir exercé par l’autorité légitime trouve sa raison d’être précisément dans sa fonction spécifique par rapport à un groupe ou une société. Dans certaines situations et selon des procédures bien définies, l’exercice du pouvoir peut inclure, toujours pour le bien commun, l’usage de la force, concrètement divers types de “coercition” qui peuvent être de nature administrative ou pénale. En tout état de cause, le recours à la force doit se faire dans le respect de la loi et dans le respect du principe de proportionnalité. Expliquons: un État a le droit d’utiliser la ” force publique ” et non la ” violence publique ” (lorsqu’il y a disproportion entre l’infraction et la défense) pour réprimer une manifestation non autorisée. De plus, d’après ce qui a été dit plus haut, il est évident que le pouvoir est la capacité d’atteindre certains objectifs ; ceux qui ont l’autorité ont toujours la possibilité d’exercer leur pouvoir, mais ceux qui ont le pouvoir n’ont pas toujours l’autorité (légitime et donc selon la justice et non par “violence”) pour le faire. Enfin, il ne faut pas oublier aussi la possibilité qu’une personne ou une institution puisse avoir les qualités de l’autorité mais n’ait pas de pouvoir: dans ce cas, on dit que ces personnes ont de l’autorité (autorevolezza), bien qu’il ne faille pas exclure que, parfois, ceux qui tiennent un rôle d’autorité le fassent avec autorité ! Si une autorité ne réalise pas les caractéristiques susmentionnées, ce ne sera que « di nome », mais en fait ce sera une corruptio auctoritatis et dans certains cas une véritable tyrannie (cf à cet égard : St Thomas, S. Th., I-II, 105, 1 ; II-II, 105, 1-2).
Corollaire : Malheureusement, de plus en plus souvent en ces temps et pour diverses raisons, nous assistons au choix de personnes pour exercer des rôles d’autorité, pour les raisons les plus diverses, par élection ou par nomination par une autorité supérieure, qui n’ont objectivement pas la capacité ; en effet il est facile de prévoir qu’elles seront un véritable désastre pour la communauté et l’institution. Ce phénomène malheureux doit nous interpeller car il implique un comportement (immoral) déplorable de la part des responsables à tous les niveaux, sans oublier de la part de ceux qui acceptent passivement, sans réagir, de tels choix. Dans ces cas, peut-être que celui qui est élu ou nommé ne se rendra même pas compte, ou peut-être même sera convaincu qu’il est à la hauteur de la tâche, faisant ainsi encore plus de maux, mais certainement ceux qui donnent leur voix pour élire une personne qui se sait incompétente ou non préparée ou ceux qui la nomme ont une très grave responsabilité devant Dieu et envers les hommes.
Conclusion
Même rapidement, j’ai essayé de rappeler dans cette réflexion le sens de l’autorité qui n’est pas le résultat d’un contrat entre affiliés, mais une exigence de la nature sociale de l’homme. Le premier et unique problème, commun à tant de dimensions et de réalités de notre vie et de notre nature humaine, n’est donc pas d’avoir ou de ne pas avoir d’autorité, mais le seul problème qui demeure est celui d’avoir de bonnes autorités. Elles le seront dans la mesure où elles promouvront et défendront les droits de chacun et le bien de tous. Ce n’est qu’ainsi qu’elles seront des “autorités qui ont en même temps de l’autorité”. Les autorités civiles à cet égard devront être soumises au principe de légalité, en supposant et en espérant que les lois soient justes et qu’elles reconnaissent donc les droits naturels des personnes. Bien que certains puissent penser le contraire, cela s’applique aussi à ceux qui exercent l’autorité dans l’Église catholique. Ainsi, ces autorités ont aussi le devoir de respecter non seulement la loi divine naturelle mais aussi la loi divine positive. Sinon, pour les deux, il y aurait un exercice de l’autorité contraire à la raison, au dépôt de la foi, à la dignité de la personne, au bien commun, qui aurait donc les caractéristiques de la violence, étant en fait simplement arbitraire, en contraste avec la raison et la foi. En fait, on n’est pas seulement violent quand on fait un usage disproportionné de la force (quelle qu’elle soit), mais aussi quand on n’applique pas, ou même méprise, la loi et la justice. Toute autorité est essentiellement administratrice et quand elle oublie son identité et sa vocation spécifiques et croit qu’elle peut faire ce qu’elle veut (Prìnceps lègibus solùtus et ceci pour le seul fait qu’à l’époque impériale romaine, l’Empereur en était l’auteur !), cela est toujours l’origine de tout type de totalitarisme (Hannah Arendt). Pour ces raisons, il n’est pas possible, et l’histoire et l’expérience continuent de nous le rappeler, que ceux qui exercent une certaine autorité, dans tous les contextes et à tous les niveaux, n’aient pas la moindre connaissance et sensibilité juridique (attention à la justice qui est le premier acte de charité), ou ne veulent pas être aidés par ceux qui la possèdent: l’autorité (autorevolezza) d’une autorité (autorità) se voit surtout dans les collaborateurs qui ont été choisis. Ils doivent toujours être les meilleurs possibles, car ceux qui sont conscients de leur propre rôle et de leurs propres tâches ne sont pas ” harcelés ” par ceux qui pourraient les éclipser, mais seulement soucieux d’accomplir leur tâche de la meilleure façon possible pour les autres, ce qui le plus souvent n’arrive que grâce à des collaborateurs préparés et honnêtes. L’autorité présuppose la préparation et la compétence (cf saint Thomas, S. Th., I, 1, 8, ad 2um: la grâce suppose la nature!), la capacité de tirer profit des compétences des collaborateurs, la capacité de comparer selon la vérité et le respect, et pas seulement d’occuper une fonction.
Voici donc quelques questions que ceux qui cherchent ou acceptent des postes d’autorité devraient toujours se poser, et pas seulement au début de leur mandat : ai-je les aptitudes et les compétences ? Suis-je prêt à jouer le rôle de l’autorité comme un vrai service (et donc avec autorité), ou à utiliser mes fonctions pour m’imposer et satisfaire mes intérêts ? Est-ce que je me sens comme un maître ? Suis-je conscient que j’ai des limites infranchissables ou suis-je sous les effets d’un délire de toute-puissance qui me fait croire que je peux tout faire et le contraire de tout pour le simple fait d’exercer un pouvoir ? Suis-je conscient, au-delà des bonnes intentions, de pouvoir devenir violent dans l’exercice de mon rôle d’autorité?
Dans ce contexte aussi, ceux qui ont de l’autorité doivent suivre, pour être vraiment à la hauteur de leur tâche et ainsi être reconnus comme faisant autorité, l’esprit de la Règle d’Or que le Christ nous a laissée et essayer toujours d’être l’autorité qu’on voudrait rencontrer hic et nunc (cf Mt 7, 12). En tout cas, toute autorité doit toujours prier Dieu, qui demeure le seul Tout-Puissant, duquel seul l’autorité descend, avec le même désir sincère qui a inspiré la demande du roi Salomon : “Accorde à ton serviteur un cœur docile afin qu’il rende justice à ton peuple et distingue le bien du mal …” (1 Rois 3, 9).
Sao Paulo (Brésil), 23 août 2019 Fête de la Sainte Rose de Lima – Tertiaire Dominicain P. Fr. Bruno, O. P.